[Net/DE/Octobre 2011](welt.de) - Les Tokio Hotel ont-ils besoin de l’argent de nos impôts ?

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Source : http://www.welt.de/print/die_welt/kultur/article13644097/Braucht-Tokio-Hotel-unser-Steuergeld.html


Les Tokio Hotel ont-ils besoin de l’argent de nos impôts ?

Un nouveau document révèle pour quels projets musicaux l’Etat verse des subventions

Les deux limousines noires Mercedes S500 roulent lentement, l’une derrière l’autre, sur le parking à l’arrière de la salle. Le moteur est encore en marche, des hommes allemands et japonais vêtus de costumes sombres attendent déjà, se rapprochent. L’entourage des stars. Les quatre musiciens descendent, Georg et Gustav de la première voiture, Bill et Tom de la seconde. Tokio Hotel. Les fans crient leurs noms. Bill hoche la tête et dit : « Bonjour. » Le groupe disparait ensuite par l’entrée des artistes.

A l’intérieur, dans le « Akasaka Blitz » qui peut accueillir jusqu’à 1500 personnes, le groupe joue quelques chansons, puis est interviewé par un interprète japonais sur scène. Il demande en allemand : « Vous vous amusez ? » Bill, qui porte une veste en cuir noire avec des clous sur les épaules, dit : « Nous nous amusons beaucoup. » Tom dit : « Nous avons pensé toute la journée aux belles femmes que nous allions voir. » Bill ajoute : « Je dois dire : elles sont un peu timides – mais personnellement, je trouve ça vraiment mignon. »

Voici à quel point la musique financée par l’Etat en Allemagne peut être belle.

Au mois de décembre dernier, le groupe pour adolescents Tokio Hotel a joué à Tokyo pour la première fois, dans la ville qui leur a donnés leur nom. Peu avant, ils étaient encore en tournée en Amérique du Sud, après plus de six millions de disques vendus, le groupe a des fans dans le monde entier. Ils sont considérés comme le groupe ayant le plus de succès, commercialement parlant, en Europe. Mais du point de vue du gouvernement fédéral, les Tokio Hotel restent malgré tout une institution culturelle qui se doit d’être soutenue financièrement. Dans le cadre d’un « financement direct des projets du Ministère des Affaires Étrangères », l’Allemagne a financé le concert de décembre à Tokyo, déboursant 25 738 euros pour l’occasion. Raison : le Ministère des Affaires Étrangères promeut « dans certains cas des projets artistiques de manière directe, lorsque les considérations politiques et le contenu des projets parlent en leur faveur. »

Avec le même raisonnement, encore plus d’argent est déboursé pour la concurrence de Tokio Hotel. Deux concerts du groupe Toten Hosen par exemple, qui a vendu autour de 22 millions d’albums jusqu’ici, et qui s’est parfaitement débrouillé seul pour atteindre la gloire, ont été financés par l’Etat l’année dernière. Pour les deux performances à Taschkent, en Ouzbékistan, et à Almaty, au Kazakhstan, le Ministère a dépensé la somme de 68 793 euros.

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Combien d’argent l’Etat allemand donne pour la promotion de la musique, où va cet argent, et pourquoi ces dépenses ? Ces questions ont fait l’objet d’une enquête officielle de la part du SPD au Bundestag, contre l’union CDU-FDP, présidée entre autres par le chef du parti Frank-Walter Steinmeier, aidé porte-parole du Ministère de la Culture Siegmund Ehrmann. Le gouvernement a maintenant répondu, dans un document de 58 pages, que le « monde » avance aujourd’hui. C’est la première fois que la promotion de la musique par l’Etat est entièrement présentée et résumée de la sorte. Cependant, le document nous laisse malheureusement perplexe.

La réponse contient un cafouillis de subventions pour des institutions, des projets longs, courts, grands ou modestes, des investissements pour des groupes de musique ou des associations très rentables, et une juxtaposition de tous les aspects du pouvoir gouvernemental : en plus du Ministre de la Culture, on retrouve aussi les Ministres de la Famille, de l’Education, de l’Economie, de la Défense, du Budget et des Affaires Étrangères, tous impliqués dans la promotion de la musique. Quelque chose de bizarre, ce n’est absolument pas le Ministre de la Culture qui coordonne ces activités. « Un accord entre les Ministres est à la base de tout ceci, » est-il écrit dans le document.

Il y a cependant un gros problème : il n’y a aucune réponse à la question de savoir d’après quels critères le gouvernement se décide à propos du partage des subventions. La promotion de la musique est toutefois une affaire de länder et de communes. Ils doivent veiller à ce que les salles d’opéra puissent avoir assez de violonistes, que les chœurs aient une salle pour répéter, etc. Le gouvernement fédéral n’intervient que si une institution musicale a « une pertinence pour l’Etat. » En d’autres termes, les gros projets phares. Mais comment on les identifie, le gouvernement ne fait aucun commentaire à ce sujet. C’est juste que la « pertinence pour l’Etat » devrait « en tout cas être concrétisée et ne peut se laisser généraliser au vu de la diversité des cas. » En pratique, cela signifie que : le festival européen de la musique d’église de Schwäbisch-Gmünd, ou l’association de musique baroque allemande reçoivent des fonds du gouvernement fédéral et sont donc considérés comme « pertinent pour l’Etat », mais pas l’orchestre philarmonique de Berlin.

Au total, d’après ce que dit le document, le gouvernement a déboursé, pour la promotion de la musique en 2011, autour de 44 197 000 euros. Cette somme est le fruit de paiements sur le long terme (tels que les virements annuels pour le Festival de Bayreuth) et les financements de projets individuels. Le Rundfunk Orchester et le Chöre Berlin GmbH (ROC) ont été les plus gros bénéficiaires de ces subventions. On retrouve en-dessous la société des quatre ensembles publics berlinois. Le ROC constitue, avec environ 11,9 millions d’euros, un quart du financement total de la part du gouvernement. Le réseau Neue Musik se classe derrière avec 4,15 millions d’euros. Puis suit l’initiative « Un instrument pour chaque enfant » avec 3,5 millions d’euros et le Conseil de la Musique allemand avec trois millions d’euros. Est-ce trop ? Est-ce trop peu ? 384 000 euros pour la musique amateur sont-ils exagérés ou peu ? Et qu’en est-il des 75 000 euros pour le soutien de haut niveau de l’orchestre philarmonique allemand pour jeunes ou des 31 000 euros pour la salle Händel-Haus ? Le dilemme est clair : la plupart de ces institutions ont de bonnes intentions. Et pour les amateurs de cultures, chaque euro dépensé pour l’art est considéré comme un euro dépensé intelligemment. Malgré cela, il est surprenant que le gouvernement puisse designer des critères de manière objective pour leur générosité financière, et non sur demande d’opposition.

Et dans le document, on retrouve aux côtés de Tokio Hotel et des Toten Hosen encore d’autres noms intrigants : dans la rubrique « Financement de la musique populaire (professionnelle) », 75 000 euros ont été débloques comme « fonds d’amorçage » pour l’Echo Jazz. L’Echo Jazz a été décerné pour la première fois en 2010. L’industrie du disque décerne ce prix afin de remettre la musique jazz au gout du jour. Le gouvernement fédéral a également contribué à l’organisation des lobbys musicaux des länder pour financer des évènements professionnels. Une constellation pour le moins douteuse.

La cour fédérale est actuellement occupée avec le festival de Bayreuth – peut-être qu’elle devrait un jour se pencher sur l’ensemble de la musique allemande également.

Traduction de Hollywood. pour ATH